Jonah – qui a plutôt fière allure, sur le Zâku brun rayé d’ombre, s’approche au pas de l’entrée de la ville, les sabots de sa monture claquant sur les pavés noirs, et s’arrête un peu avant de pénétrer dans la ville elle-même… Histoire de réapprivoiser le paysage, et ses souvenirs.
Car ce n’est pas la première fois que l’homme se rend dans cet endroit, oppressant même pour lui ! Il est déjà passé à Guttenvald deux fois au cours des années précédentes, sans y rester plus longtemps que nécessaire. Il faut dire qu’elle est loin d’être accueillante, cette ville, et ce n’est pas parce qu’on n’est pas un enfant de chœur qu’on se sent bien quand on est sans cesse entouré de bandits, d’escrocs et de meurtriers. Comment ça, Jonah est un peu des trois ? C’est peut-être vrai, mais c’est pas une raison ! Ici, il faut sans arrêt être sur ses gardes, et il est quasiment impossible d’y passer du bon temps…
L’homme, en habits pratiques de voyage – pantalon sombre ample, chemise large, bottes et manteau de cuir – pas une tenue qui risque d’attirer l’attention ici – jette un regard à la ronde. Non, rien n’a l’air d’avoir trop changé. Les bâtisses sont toujours aussi peu engageantes ; et le paysage grisâtre. On a l’impression d’être dans une réalité désaturée à l’extrême… Les gens qui trainent dans les rues n’ont pas l’air plus plaisants, et, pour couronner le tout, une petite bruine maussade tombe sur la ville.
« Bon, je vais aller manger un morceau… Puis direction les forges ! »
Jonah met pied à terre et s’enfonce alors dans les rues ; il sait que l’auberge située immédiatement à l’entrée de la ville, au sortir de la gare, est à éviter : sa fréquentation est majoritairement composée de voleurs, qui n’attendent que l’arrivée de pauvres touristes qui n’ont aucune idée d’où ils mettent les pieds, afin de les détrousser. Non, lui il va au Chat-Huant, un établissement certes pas idyllique ni totalement sûr, mais au moins y’a jamais personne là-bas, et même si ce qu’ils servent est plutôt insipide, au moins ça tient au corps - et Jonah a vraiment les crocs.
Il atteint sa destination sans encombre – un miracle ! mais de toute façon, avec son stylet accroché à sa ceinture, juste au cas où, il ne craint pas grand-chose… Après avoir confié sa monture au tenancier – il a intérêt à bien s’en occuper, il rentre dans l’auberge. Sitôt faite une rapide analyse des personnes déjà présentes – deux personnes qui conversent à voix basse autour des reliefs d’un repas, et une silhouette seule dans le fond, Jonah jette son dévolu sur une petite table graisseuse à laquelle il s’installe. Assez rapidement vu le nombre quasi-nul de clients, la patronne, une grosse femme au teint plus gris qu’une vieille serpillière, et avec les même cheveux – même pas le luxe de se payer une jolie serveuse ! -, s’approche de lui et lui demande ce qu’il prendra.
« Un ragoût de Teigne… avec du pain et un pichet d’eau. »
Pas d’alcool en voyage d’affaire, et encore moins à Guttenvald pour lui ! En attendant son plat, Jonah tente de déchiffrer les symboles inscrits sur sa table…