« Je ne suis pas fâché... Répondit Archélas à Ceithli tout en grattouillant la tête du Tecoluta en peluche. Je suis un peu inquiet à cause de cet avis de recherche... ce... C'est vrai que ce n'est pas très prudent de venir jusqu'ici, mais je suis content de te voir. Tu as l'air d'aller bien, je suis soulagé. Sourit-il. Ma mère me donnait des nouvelles quand elle rentrait. Elle t'aime beaucoup tu sais. Papa et moi on est un peu jaloux d'ailleurs... »
Il lui lança un regard espiègle avant de lui prendre la main pour marcher un peu. Il avait besoin de se dégourdir les jambes, et de s'éloigner du tatoueur qui l'agaçait un peu, mais il tourna la tête vers son épouse lorsqu'elle parla des peluches « effrayantes ». Comme souvent dans ces cas là, ses yeux s'étaient arrondis et brillaient d'une lueur totalement puérile. Une peluche de Drakmonniss ? Il aurait adoré en avoir une quand il était petit ! Bon évidemment maintenant qu'il l'avait vue d'un peu trop près il la trouvait un peu moins fantastique, mais gamin c'était la créature la plus géniale sur Nideyle, et il s'était toujours amusé avec les bâtons en forme de serpent, les pieds dans une mare quelconque, à imiter Drakmonniss déchaînant les flots. Son bâton coulait alors les bateaux en papier d'un seul mouvement... Alors forcément, s'ils devaient avoir un fils, il devait impérativement posséder une peluche de Drakmonniss !
Mais avant qu'il ait eu le temps d'ouvrir la bouche pour réclamer son jouet – enfin... le jouet pour leur enfant – Ceithli l'entraînait du côté opposé de la foire, vers un jeu où il était question de faire sonner la cloche située en haut d'un mât, et cela à la seule force d'un coup de masse donné sur une sorte d'enclume au pied du même mât. Un marin de Balaïne large comme deux déménageurs venait d'ailleurs d'arriver et exhibait ses bras bardés de tatouages, affirmant haut et fort qu'avec ses biceps, il arriverait à frapper si fort que le palet traverserait la cloche ! Cependant, Archélas eut quelques doutes lorsqu'il remarqua le sourire assuré du forain qui lui tendait sa masse. Le marin leva l'objet au-dessus de sa tête, le visage concentré, le sourire narquois aux lèvres. Tout autour, un public composé de curieux, de candidats savourant l'échec de d'autres qu'eux, et de femmes a l'air impressionné qui tenait leurs mains jointes comme le faisait Belladona lorsqu'elle était surexcité... autrement dit tout le temps. Et le marin abattit son arme avec une violence telle que le soldat sentit le sol vibrer sous ses pieds. Il tourna aussitôt la tête pour admirer le résultat, mais contre toute attente, le palet ne dépassa pas la moitié du mât ! Vexé, le marin jeta un regard noir au forain qui faisait mine de regarder ailleurs. Il avait droit à trois essais. Pour le second, la vantardise déserta son visage concentré et tendu, mais le résultat ne fut pas meilleur. À la troisième tentative, le pauvre marin était devenu cramoisi sous l'effort combiné à la fureur, et un juron particulièrement grossier ponctua sa défaite alors que les Nobles alentours s'indignaient d'un tel langage. Archélas reconnu les précédents perdants à leur sourire réjoui.
« Je peux essayer ?
_ Mais bien sûr mon p'tit ! Par ici ! » L'encouragea le forain dont la bonne humeur semblait inversement proportionnel au taux de réussite à son attraction.
Les badauds se mirent à rire, certains ne se privant pas de faire quelques remarques grossières sur le charisme du soldat. Choisissant de ne rien entendre, le soldat souleva la masse presque plus lourde que lui, grimaçant de constater qu'elle était aussi difficile à manier qu'à équilibrer. Viser avec une arme pareille ne serait pas chose aisée, mais il se concentra tout de même. Pour sa première tentative, il se contenta de jauger le comportement du palet et laissa tomber la masse sur l'enclume plutôt que de réellement frapper. Ses yeux s'arrondirent pourtant de surprise en voyant le palet monter au même niveau que lorsque le marin avait frappé de toutes ses forces, et les insultes fusèrent aussitôt pour le traiter de tricheur. Interloqué, le soldat réfléchit un bref instant puis releva sa masse. Cette fois, il accompagna le mouvement afin de donner de la puissance à son coup, mais il fut déséquilibré et la masse ricocha sur l'enclume avant de dévier à grand bruit, le palet ne s'élevant que d'une vingtaine de centimètres malgré la force qu'il y avait mise. Cette seconde tentative fut couronnée d'un éclat de rire général qui lui fit se mordre la joue. Mine de rien, Ceithli le regardait... et il se rendait ridicule de ne pas savoir faire mieux ! Malgré tout il tirait chaque fois des leçons de ses essais, et un coup d'œil furtif en direction du forain lui indiqua qu'il devait être proche de comprendre le fonctionnement de l'attraction, s'il en jugeait par l'inquiétude furieuse qu'il intercepta.
Donc, la force ne semblait pas particulièrement utile... la précision en revanche... à moins que...? Malheureusement, il ne restait plus qu'un seul essai au soldat, et il lui fallait faire un choix. Taper comme un sourd ou viser ? Et où viser ? Archélas prit une profonde inspiration et secoua légèrement les bras pour délier ses muscles. Mine de rien, soulever cette horreur et encaisser les vibrations après avoir frapper lui avait engourdit les bras. Il s'accorda quelques secondes pendant lesquelles les futurs joueurs le sommaient d'aller s'essayer à des jeux de son âge, puis souleva pour la dernière fois la masse. Il recula d'un pas et se concentra au point de ne plus rien entendre, n'ayant plus d'yeux que pour le centre de l'enclume et la répartition du poids de l'arme au bout de ses bras. Si bien qu'il ne remarqua même pas l'agitation alentour due à la petite démonstration de force de Vrass. Obnubilé par son jeu, Archélas semblait avoir été aspiré dans un autre monde. Frapper fort et juste demandait un entraînement un peu plus poussé, mais s'agissant d'une attraction, pas d'entraînement possible. Alors dans un dernier grognement d'effort, il abattit la masse en dosant son effort au mieux pour éviter de perdre en précision. De nouveau, les vibrations secouèrent ses bras jusqu'à sa colonne vertébrale, le rendant presque sourd de se sentir ainsi trembler de l'intérieur. Il y eut juste un silence, puis un cri aiguë ponctua l'enthousiasme d'une spectatrice cramponnée à son ombrelle, et les insultes fusèrent de nouveau. Le palet s'était élevé jusqu'aux deux tiers du mât, ce qui déclencha une envolée de noms d'oiseaux de la part du marin qui n'avait pas sut faire mieux juste avant. Du coup, tout le monde voulu essayer en même temps, et le forain tapota l'épaule d'Archélas pour le féliciter à la fois pour sa performance que pour lui avoir attiré autant de clients.
« Tu parles d'un jeu ! Sourit-il à Ceithli en la rejoignant. J'ai l'impression d'avoir le squelette en miettes. »
Il n'avait rien gagné mis à part la satisfaction bien masculine d'avoir fait mieux que le copain, et cela lui suffisait. Enlaçant Ceithli par la taille, il se risqua à goûter un peu de barbe à papa qu'elle lui proposait. Les filaments collaient aux doigts et il eut l'impression de mettre un gros morceau de coton dans sa bouche... mais le coton fondit aussitôt pour ne plus laisser qu'un goût de sucre sur la langue.
« C'est drôle comme confiserie ! Comment est-ce que ça s'appelle ? »
Il avait totalement perdu Vrass, Benedikt et Kjeld des yeux et à vrai dire, se fichait totalement de ce qu'ils devenaient. Son épouse en revanche semblait s'inquiéter de la fréquentation de la foire, et il dû resserrer son étreinte sur sa taille pour la rassurer. Il ne remarqua pas Jonah parmi la foule, mais se dirigea droit sur lui malgré tout alors qu'il cherchait un stand plus à la portée de sa féline. Il le trouva un peu plus loin, juste derrière le trafiquant d'armes pour être exact. Une ribambelle d'enfants regardaient faire leurs camarades en les encourageant par des cris parfois un peu hystériques. Un grand bac en verre était rempli d'une quantité impressionnante d'objets en tous genre : des peluches de la taille d'un poing, des balles qui semblaient contenir de la lingerie, des pompons semblables à ceux en poils de mâtin mais d'une belle couleur rose vif et manifestement conçus pour ronronner et pousser des petits « pouic pouic » qui rendaient folles de joie les demoiselles qui les avaient gagnés. D'autre bizarreries sur lesquelles le soldat préféra éviter de se pencher se mêlaient dans tout ce fatras d'objets. À quelques pas, deux manettes permettaient de manœuvrer une sorte de grue et le but du jeu était d'aller récupérer l'objet de son choix, en tout cas selon ce qu'Archélas comprenait d'ici. Rien de trop violent pour Ceithli, donc.
« Qu'est-ce que tu en dis ? »