Ceithli est née noble et humaine dans la ville d'Ephtéria
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Le premier destin avait eu quelque chose de rassurant, même si Ceithli avait du mal à imaginer qu'elle ait pu mal tourner, fuir même sa famille et se retrouver en femme pirate! L'idée que si elle n'avait pas été comme le reste de sa famille l'aurait conduite à être ainsi rejetée avait de quoi l'intriguer et lui faire peur, mais peut être n'était-ce pas seulement la différence qui lui avait valu ce rejet, mais aussi l'animal dans lequel elle se transformait. Il faut dire qu'un hiéras avait quelque chose de terrifiant, bien plus dangereux encore que le guépard, et que les habitants de Banba qui craignaient déjà les Elbereth en fauves, aient davantage peur d'un hiéras, était plutôt logique finalement.
En tout cas, elle souriait, car malgré cela, elle avait retrouvé Archélas et de toute évidence, leurs destins devaient être liés au-delà même de son passé, ce qui ne manquait pas de la rendre heureuse. Caressant son ventre alors que les enfants semblaient être calmes, elle s'avança d'un pas assuré vers la porte suivante pour l'ouvrir, et se retrouver alors dans un tout nouvel environnement.
«Et un-deux-trois, un-deux-trois... Ceithli, tu n'es pas concentrée!» la jeune femme avait du mal à respirer, portant une de ces robes qu'elle avait portant en horreur, elle était en train de danser avec Jherer, bien qu'elle sursauta en voyant ses yeux et ses cheveux. Sa famille était humaine, tous arboraient des cheveux blonds comme les blés, sans la moindre mèche noire, et des yeux d'un bleu très clair, fort différent de ceux d'Archélas. Le jeune homme menait la danse, et en baissant les yeux, Ceithli pouvait voir sa poitrine sacrément remontée par le corset qu'elle portait, des manches bouffantes d'un blanc laiteux et une robe brodée de dorures et de velours pourpre. De petits escarpins qui lui faisaient déjà mal aux pieds alors qu'elle tournait en rythme en plongeant le regard dans celui de son frère. De ce côté là, il ne semblait pas avoir changé, il la dévorait toujours autant du regard, lui vouant toujours cet amour peu naturel entre un frère et une sœur.
«Ceithli, concentre toi!»
- «J'ai mal aux pieds, mère...»
- «Bon, fais une pause. Mais il faut que tout soit parfait pour ce soir!»
Ce soir... dans un soupir, Ceithli lâcha son frère et s'éloigna le plus vite possible, tenant sa robe pour ne pas marcher dessus, et traversant l'immense salle de bal de la demeure. Rhëanor était un riche marchand de céramiques, sculptant lui-même de véritables œuvres d'art, il s'était rapidement fait un nom auprès du Roi lui-même qui commandait souvent ses œuvres pour son palais. Allant de la vaisselle classique aux vases et même à des statues, il s'était constitué une véritable fortune qui mettait désormais la famille Elbereth parmi les plus en vue d'Ephtéria.
Malgré tout, lorsqu'on est noble, il y a des choses que l'on ne choisit pas, et aujourd'hui, Ceithli allait devoir rencontrer son futur époux. Les pères s'étaient arrangés entre eux, de ce qu'elle savait, son futur mari ne semblait pas plus heureux qu'elle de cette décision, jugeant qu'ils étaient bien assez grands pour se trouver tous seuls des compagnons. Au moins, ils étaient d'accord sur une chose. Revenant dans sa chambre, elle se dépêcha de dénouer les innombrables lacets de son corset pour pouvoir respirer, puis elle se dirigea vers la fenêtre pour prendre un bon d'air. Dans la rue, en bas de chez elle, des soldats passaient, rentrant probablement de mission.
Que n'aurait-elle pas donné pour être comme eux? Pouvoir partir à l'aventure, quitter cette ville où il ne se passe jamais rien, fuir les bals mondains et les repas interminables, les rencontres avec des «bons partis» qu'elle repoussait sans arrêt. C'est à cause de ça d'ailleurs que son père avait fini par prendre la décision à sa place, vu qu'elle était pas fichue de faire un choix, il le lui imposait. Calant son menton dans sa main, elle regardait le chef des soldats qui passait. Elle ne voyait pas son visage d'ici, mais il était tout crasseux, les cheveux longs, ses vêtements paraissaient élimés par les nombreux voyages, et elle soupira en se disant qu'elle préférait les hommes comme ça plutôt que ces foutus bourges que son père s'obstinait à lui présenter.
M'enfin, il paraissait que justement, l'homme qu'il voulait lui présenter était un soldat, fils d'un riche tisserand de la ville tiens.. probablement l'un de ces gros lards qui a eu sa promotion grace à l'argent de son père et qui passe son temps à donner des ordres le cul sur une chaise. Poussant un soupir d'exaspération, Ceithli n'avait qu'une envie, fuir. Fuir très loin.
Malheureusement, pas aujourd'hui. Sa mère était déjà là pour l'aider à se préparer. L'entraînant dans la salle de bain pour qu'elle prenne un bain, un vrai, avec pleins de parfums entêtants qui allait lui donner mal au cœur, lui entortillant les cheveux pour faire une de ces coiffures compliquées qui ne ressemblaient à rien d'autre qu'une choucroute garnie de fleurs rouge et or! On lui poudra le visage, elle eut du noir sur les yeux et du rouge sur les lèvres avant d'enfiler à nouveau cet horrible corset et une de ces robes qui donnaient un cul énorme! Non mais ça sert à quoi de mettre cette fichue armature qui donne l'impression qu'on est assis sur un cheval?
«Mère... je ne réussirai jamais à danser avec un truc pareil! Et puis... ne craignez-vous pas que j'effraie un peu mon futur époux avec un accoutrement pareil? Il va se sentir fortement diminué si j'expose ainsi mes.. richesses?» sa mère la regarda quelques secondes d'un air suspicieux avant de juger qu'elle avait raison. Certes, elle n'échappa pas au corset, mais au moins portait-elle une tenue à peu près normale. Une robe simple et élégante qui tombait simplement à ras du sol. De couleur rouge et or, elle se sentait déjà un peu moins ridicule ainsi et pourrait probablement plus facilement s'asseoir à table! Elle en profita pour retirer un peu de maquillage aussi, réussissant au moins à virer cette horrible poudre blanche pour ne laisser que le rouge sur ses lèvres et le noir au-dessus de ses yeux.
C'était le moment de vérité, debout devant son fauteuil dans le grand salon, elle attendait que la famille de son prétendant débarque.
«La famille Ages...» annonça le majordome. Gigotant en passant sans cesse d'une jambe à l'autre, elle reçut un coup de coude de sa mère dans ses côtes alors que la famille approchait. De toute évidence, le fils avait reçu pratiquement le même traitement qu'elle, si ce n'est qu'il s'était surement bien plus défendu, jugeant probablement qu'en faisant mauvaise impression, il aurait des chances de faire annuler cette union. Il s'était quand même lavé, mais on voyait bien qu'il n'avait pas cette chevelure douce et soyeuse des hommes de la haute société, ce qui surprit la jeune femme d'une certaine manière, mais de façon positive.
Penchant la tête sur le côté, elle fut surprise par ses yeux bleus avant de baisser les yeux sur sa carrure. Contrairement à ce qu'elle avait pensé, il ne paraissait pas être de ces soldats qui restent la journée assis à ne rien faire, il portait les traces de la fatigue d'un long voyage, le soleil semblait avoir brûlé sa peau, faisant davantage encore ressortir ses yeux bleus.
Finalement, elle le trouvait même plutôt beau, elle s'inclina donc en rougissant, tenant sa robe comme on le lui avait appris en une révérence avant de se rendre compte que la présence de ses parents la gênait.
«Mère... puis-je faire visiter la demeure au Seigneur Ages?»
- «Évidemment!» dit Sofiaa avec un certain enthousiasme. la jeune femme fit donc un signe de la main à Archélas avant de lui sourire et de l'entraîner loin des regards indiscrets pendant que les pères parleraient probablement affaire. Finalement, cette soirée ne serait peut être pas si mal que cela?
Il y eut un éclat de lumière, et la jeune femme se retrouva devant un autel, elle reconnaissait la robe qu'elle portait, la même que celle qu'elle avait eu le jour de son mariage dans sa «vraie vie», et Archélas était aussi beau que dans son souvenir... cependant cette fois-ci, les invités étaient un peu différents, c'était un mariage un peu moins intime que la première fois, et probablement moins sincère aux yeux des autres qui ne voyaient là qu'une union d'arrangement, mais en plongeant son regard dans celui de son époux, elle savait que cela devait être ainsi, et pas autrement.
Lorsqu'elle fut de retour dans la salle, Ceithli ne pouvait s'empêcher de sourire. Elle avait bien fait de venir.