Précédemment
Benedikt restait tellement interdit devant l’attitude de Vrass que ce fut encore une fois Nessy qui l’attrapa par l’épaule pour le faire sortir, non sans jeter un regard qui en disait long au tatoueur. Elle le blâmait sans aucun doute pour ce qui était arrivé, et sa froideur à présent n’arrangeait pas les choses.
Même lorsqu’ils furent dehors, Benedikt se retourna plusieurs fois vers l’auberge, comme s’il s’attendait à ce que Vrass les rattrape, ayant retrouvé ses esprits. Sa conscience avait l’air de dire qu’il fallait qu’il fasse quelque chose pour le tatoueur, alors que cette situation semblait si déplacée et incompréhensible, mais il n’avait absolument aucune idée de quoi. Si bien que dépourvu d’une mission à accomplir - elle l’était déjà - mais aussi du soulagement qui était supposé aller avec, le botaniste avait l’impression d’être coincé dans un autre espace-temps.
Arrivé à l’herboristerie, c’était déjà un peu mieux car l’endroit était familier. Les odeurs d’herbes le calmèrent un peu, même s’il tremblait toujours et que sa blessure à la joue commençait à être sérieusement douloureuse. Benedikt avait emporté tellement de produits dans son sac pour aller chercher Nathan et ses mères qu’il n’avait pas à s’inquiéter de ce qu’il lui fallait pour se soigner, mais le petit botaniste s’aperçut à ce moment-là qu’il n’avait même pas vérifié que ceux-ci étaient en bonne forme. Si bien qu’il tourna aussitôt les talons pour les observer des pieds à la tête en paniquant :
« Vous n’avez rien, ils ne vous ont pas tapés dessus ? »
« Benedikt, on verra ça avec le doc, ne t’inquiète pas pour nous, d’accord ? On a survécu jusqu’ici, on va bien survivre jusqu’à la Basse-ville, ramène-nous. »
Le petit botaniste s’exécuta donc et les fit passer par l’arrière-boutique pour atterrir dans celle des Ghettos. Son sentiment d’inconfort ne s’éloigna pas en même temps que Balaïne, pourtant, il n’osait pas demander leur avis à Nessy et son amie vu qu’elle avait d’autres choses desquelles s’inquiéter, notamment Nathan qui venait à peine de commencer à arrêter de pleurer. Benedikt les accompagna au final aussi chez le doc, désireux de se rendre utile ou au moins de s’en donner l’illusion, et aussi inquiet de leur état. Après tout, ils venaient de voir leurs vacances se transformer en cauchemar, et pour couronner le tout, Nathan avait même eu le droit à voir son père décapiter des gens sans hésitation et sans aucune attention pour lui.
Mais à quoi il pensait, Vrass ? C’était à croire qu’il était devenu dingue. Benedikt fronça le nez et traversa l’entrée du cabinet du doc. Ce dernier était déjà en train de se tracasser pour la petite famille et le petit botaniste s’arrêta à quelques mètres d’eux, à côté du bureau de Nessy, pour s’appuyer sur celui-ci. Il avait envie de repartir à Balaïne pour rejoindre le tatoueur et lui demander des explications, mais c’était sûrement stupide. Surtout vu le genre de paroles que Vrass avait lancer. Le botaniste joua avec l’anneau qu’il portait toujours et qui contenait les effets de la perle jumelle. Si seulement ça lui permettait de véritablement communiquer avec le tatoueur, aussi bien qu’un téléphone.
Et puis Benedikt se figea et s’arrêta trois ou quatre secondes. Il venait d’entendre la voix du tatoueur, presque distinctement, annoncer une intention qui lui glaça le sang instantanément ; mais sa panique immédiate ne lui autorisa pas plus d’informations.
« Vr-vrass est parti à Wingdrakk, je crois. » bredouilla à voix haute mais à personne en particulier.