par Estrello » 16 Mar 2011, 19:02
Il avait regardé la ferme se réduire en cendres. Il avait tout enregistré dans sa mémoire, afin que ce jour sombre reste gravé en lui : chaque poutre qui tombait était comme un pilier s'écrasant sur ses épaules, chaque craquement de bois était comme le craquement d'un de ses os, chaque flamme qui dévorait la chaumière était le feu qui brûlait en lui. Ce n'était pas un assassinat. C'était une vengeance. Les quatre hommes n'avait rien sur eux, il avait vérifié en quittant la chaumière pour la deuxième fois; aucun ordre de mission, aucune récompenses. Il ne saurait jamais pourquoi ils avaient tués la vieille femme. Un simple vol ou une vengeance... Les bandits avaient emmené le secret dans la tombe.
Il entendit à peine Ceithli, mais sentit la main du boucher sur son épaule. Ses paroles ne frappèrent pas tout de suite l'esprit de l'assassin. Il regardait indéfiniment la chaumière brûlée. Il avait besoin de repos, certes. Mais arriverait-il seulement à fermer les yeux alors que ses efforts pour se racheter avait été réduit à néant en quelques secondes alors qu'ils semblaient enfin porter leur fruit? Serait-il toujours le Estrello que le sgens de Banba semblait apprécier? Apprécierait-il le tueur autant que le fermier? Pour le moment, il ne pouvait pas se faire une idée fixe. Le destrier d'Estrello, voyant son cavalier en détresse renacla. L'assassin tourna la tête vers lui. cela avait été le fruit de son travail pendant un an. Il connaissait ce cheval comme son propre enfant, l'avait entraîné et débourré lui-même. Il n'avait connu aucun autre cavalier, et lorsqu'il le chevauchait, la monture et son cavalier semblaient ne faire qu'un. Estrello sortit un peu de sa torpeur, et attrapa la bride de l'animal en se tournant vers Rhëanor.
«Je vous suis Monsieur Elbereth.»
Il suivit le boucher jusque chez lui, attachant sa monture à une attache avant d'entrer. Il fut très bref, et se cloîtra dans la chambre qu'on lui proposait. Il enleva son long manteau et garda juste la tunique cintrée, avec le pantalon. Il se glissa dans le lit et passa un bras derrière sa tête. Les images d'Alessa, morte sur son fauteuil allaient et venaient dans l'esprit d'Estrello. Cependant, ses paupières se fermèrent petit à petit, alors qu'à présent, c'était les bons souvenirs qui revenaient; éclat de rire, repas, travail, apprentissage... Elle lui avait tout donné : la liberté, une chance de rédemption, un foyer, une famille d'accueil, un travail, de l'argent... Elle lui avait tant donné et lui si peu... Sur cette pensée, il sombra dans le sommeil; un sommeil lourd sans rêve.
Aux aurores, il fut debout. Enfin, plutôt assis sur le lit. Le fourreau était au pied de son lit. Il l'attrapa, et caressa la poignée de l'arme. Elle était accordée parfaitement avec la peau de l'assassin. Il se saisit du manche et tira d'un coup sec. Un chuintement suivi d'un éclat s'en suivit, alors que l'arme se dressait. Estrello l'examina. Après toutes ses années, le cimeterre était toujours aussi éclatant; faut dire qu'il l'entretenait souvent, en dépit de ne pas beaucoup s'en servir. Il tendit la lame devant lui. C'était comme une extension de son bras, comme un autre membre de l'assassin. Le contact était toujours le même, à croire que l'arme avait attendue son maître pendant ces années. Il la rangea après l'avoir contemplée.
Il se leva et fouilla dans son sac, se saisissant de la tenue qu'il avait prise : il passa alors le pantalon, puis les bottes, les remontant, emprisonnant ainsi le pantalon. Par dessus, une tunique de coton noir, affublé d'une capuche et ouverte sur le devant, vint se superposer au tout. Estrello attrapa un lien qui était noué à une poche de la tunique, et attacha ses cheveux en une sorte de queue de cheval. Il prit ensuite l'armure et passa chaque pièce lentement. D'abord le plastron, puis les grêves, puis les spaldières, et ensuite le protège poignet unique, protégeant le bras gauche. Un miroir traînait dans la chambre, et il se regarda dedans. Il avait l'impression de se voir une dizaine d'années plus tôt. Il se saisit du fourreau, et attacha le fourreau dans un endroit spécial de de la tunique, entre les deux omoplates, avec des liens prévus pour, qu'il n'eut pas besoin de regarder pour serrer; pendant presque 15 ans il avait fais ça tous les jours. L'arme dépassait en haut de son épaule droite, prête à l'emploi. la dague vint retrouver son emplacement habituel, autour de la cuisse d'Estrello. Quant à l'arc, il trouva sa place dans le bas du dos de l'assassin, dans une poche spéciale. Cette tenue avait été taillée sur mesure à Guttenvald, et Estrello en avait fait lui même les croquis. Il ne lui manquait que des flèches.
Alors, après un dernier regard, il fouilla son sac. il avait pensé à reprendre sa pipe heureusement. Ne voulant pas enfumer la maison des Elbereth, il sortit, son sac avec lui, à pas de loup, et se posta à l'entrée de la maison. Une braise traînait dans un feu pas loin, et il s'en servit pour allumer sa pipe. Il s'adossa ensuite à un mur de la maison et commença à tirer sur sa pipe, de grands volutes de fumée sortant de sa bouche et de ses narines, et se dissipant au grès du vent, les cheveux de attachés de l'assassin suivant eux aussi les souffles matinaux.
Une nouvelle vie venait de commencer... Ou plutôt, une ancienne venait de revenir. A présent, le fermier Estrello n'existait plus; il avait péri avec la chaumière. L'assassin en revanche, était revenu d'entre les morts. Estrello espérait juste que l'assassin serait plus sociable cette fois...