Sa remarque était assez déplacée, mais bon, on peut dire qu'avec lui j'y étais plus qu'habituée… bien malgré moi. Je soupirais alors de nouveau reculant pour le laissait tranquille ▬du moins pendant quelques secondes▬ alors que j'étais à moitié satisfaite de mon travail. L'idéal aurait été que je lui retire entièrement les globes oculaires, j'aurais même pût les entretenir, mais je manquais vraiment de matériel pour ça, il aurait aussi fallut que j'ai des goûtes pour ses yeux, car même artificiel, le corps pouvait les rejeter. Tant pis, je devrais me contenter de ce que j'avais fait, malgré le fait que je détestais vraiment faire ce pour quoi j'étais douée à moitié.
« Le gauche est comme neuf. » Et il devait même pouvoir activer les différentes visions de ce côté là. « Pour le droit, tu n'as que la vision de base. N'essaie pas d'activer les autres, ça pourrait les faire griller tous les deux. »
Une simple prévention, je n'avais pas envie de le voir revenir ici à peine serait-il sorti de cette auberge, et je pense que lui non plus d'ailleurs, surtout que là il aurait vraiment le droit à un autre sermon de ma part. D'un autre côté, ce serait amusant, mais si côtoyer cette tête de lard était amusant, c'était comme toutes les bonnes choses, il ne fallait pas en abuser. Bon, le seul problème avec lui c'est que je crois que j'étais bien la seule à le considérer comme une bonne chose, mais je devais voir en lui ce que peu de gens devaient réaliser. Il ne le montrait pas, et il ne l'avouerait jamais, mais il était gentil… de temps en temps. Au moins une fois par mois, ou peut-être que c'était une offre soumise à condition dans la limite des stocks disponibles. Par exemple, si il avait déjà utilisé son cota de gentillesse, il fallait attendre le mois suivant pour y avoir droit. Enfin bref, je revenais m'asseoir sur le lit alors qu'il me disait vouloir manger chez moi. Intéressant. Je pensais qu'il n'aurait pas envie de sortir d'ici, qu'il préférerait éviter de parcourir les rues de cette ville le plus possible, mais il fallait bien croire qu'en fin de compte, il en avait rien à faire de ce que pourrait penser les gens si ils le voyaient. Tant mieux, moi, je n'avais pas honte de m'afficher aux yeux de tous en sa compagnie, bien au contraire, je pourrais même dire que j'en étais assez fière.
Mon regard se portait quelques instants sur son bras. Cela m'ennuyait vraiment de ne pas pouvoir faire quelque chose pour lui à ce sujet, surtout qu'en temps normal j'en aurais été capable. Peut-être qu'une fois chez moi ce serait un peu plus facile, même si les moyens dont je disposais rester toujours limités, c'était mieux que rien. Pour le moment, je préférais toutefois le prévenir de quelque chose afin qu'il ne s'étonne de rien.
« D'accord. Il faudra toutefois que je passe acheter de quoi cuisiner. » Même si nous avions ce qu'il fallait chez moi, je préférais lui préparer un plat à base de produit frais. « Tu as une préférence ? Viande ? Légume ? Ou j'ai carte blanche ? » Même si le connaissant, il serait bien capable de me dire qu'il n'en savait rien, que je pouvais bien préparer ce que je voulais car dans tous les cas : « ce s'ra meilleur qu'la bouillasse du mess ». Heureusement que je ne lui disais pas ce à quoi je pensais, sinon il allait encore dire que je me moquais de lui, et il aurait entièrement raison.
Mais mon regard se faisait rapidement bien vide et détaché, si bien que le silence régnait rapidement après sa réponse, et il en était même pesant. Je me rendais compte que c'était moi qui faisait la majeur partie de la conversation, rien d'étonnant avec lui. Mais ce n'était pas pour cette raison que je ne parlais plus, mais bien parce que je réfléchissais, et à quelque chose de désagréable. Je levais de nouveau les yeux vers lui, l'air implorante, ou peut-être inquiète, et je tendais doucement ma main dans la direction de la sienne. Puis au dernier moment, sans même le toucher, je me ravisais, refermant ma poigne alors que j'écartais à peine mes lèvres comme pour dire quelque chose, sauf que rien ne venait. Comment lui poser la question ? Et surtout, pourquoi est-ce que j'appréhendais autant de lui demander ce qui me tenait à la gorge depuis que je l'avais vu ? Je crois que je pouvais bien me mettre à pleurer n'importe quand, mais pas devant lui, je savais déjà qu'il n'aimerait pas ça. Non pas par compassion, mais d'une part car il ne saurait pas comment réagir vu le gros lourdeau maladroit qu'il était, et d'autre part parce que les émotions, il ne connaissait pas. Mais il fallait bien que je me lance…
« Tu as vu Vilal… ? » Évidemment qu'il l'avait vu, j'avais des contacts un peu partout, et quelqu'un comme lui qui sort d'un puits à souhait en parlant à quelqu'un qui me ressemblait comme deux goûtes d'eau, ça ne courait pas les rues. Et c'était le genre d'information qui m'arrivait même très rapidement. Me pinçant la lèvre inférieur, je me hasardais à lui poser l'interrogation qui suivait. « Il… Il va bien… ? »
L'anxiété se lisait sans problème dans ma voix. Il était vivant, alors il allait forcément bien, c'était suffisant pour lui vu tout ce qu'il avait enduré au cours de sa vie, mais… je lui avais quand même posé la question, comme si je voulais en être sûre, comme si je voulais l'entendre de sa bouche, et que c'était la seule chose qui parviendrait à me rassurer. Mon frère était à Éphtéria, et il n'était même pas venu me voir… Pourquoi ? Est-ce que j'avais fait quelque chose qui lui avait déplu ? Je faisais pourtant toujours en sorte d'être une grande sœur exemplaire, même si il était venu au monde quelques minutes après moi, et pourtant… c'était toujours lui qui veillait sur moi… Mais peut-être était-il toujours en ville ? J'aurais dû partir à sa recherche tout de suite, mais je ne me sentais pas capable pour le moment, comme si j'espérais que ce serait lui qui viendrait.