Reprenant ses esprits, elle avait quelque peu sautillé sur place de joie avant de voir l'énorme bestiole qui s'apprêtait à leur courir après. Lui sautant dessus sans se soucier des regards outrés qu'on pouvait leur lancer et indifférente à la remarque de l'orphe, elle avait réfugié son visage dans son cou et fermé les yeux pour ne pas succomber à la peur. Au delà d'une certaine taille, le cochon était devenu un prédateur à ses yeux et comme toute picaris qui se respecte, elle craignait plus que tout les prédateurs dans la mesure où elle avait trop peu de moyens de défense. Ce porc était bien trop gros pour que son poison puisse faire effet et il aurait largement le temps de la manger avant de se sentir patraque...
Elle sentit alors les mouvements de son compagnon - ou plutôt... du double de son compagnon, c'était un peu trop compliqué - qui s'élevait dans les airs, et elle se risqua à ouvrir un œil pour voir qu'ils étaient très proches d'un mur. Prenant peur, elle se réfugia encore plus dans son cou, indifférente qu'elle ne faisait qu'appesantir un peu plus encore l'orphe à gigoter ainsi, au risque qu'il ne puisse plus garder prise sur le mur. L'atterrissage fut alors un peu mou et pour cause, il avait sauté sur l'animal qui avait poussé un Grouiiiiinnnkk» de mécontentement avant de commencer à les poursuivre. Si Octanis n'avait pas besoin de se retourner pour le voir leur courir après, elle n'avait qu'à lever un peu la tête pour le voir, et il semblait particulièrement affamé.
Les mots se perdaient dans sa gorge, elle sentait la sève se répandre à toute vitesse dans son corps et probablement que sa peau se couvrait peu à peu de poison dans un geste défensif. Puis soudain elle se sentit décoller à nouveau et elle vit des caisses en bois tomber derrière eux, ralentissant un peu le porc sans pour autant le faire renoncer... puis le bruit des pas changea, signifiant qu'il arrivait dans la boue de l'enclot... de là où elle était, elle ne pouvait voir les autres porcs qui s'agglutinaient à l'idée d'avoir droit à un nouveau repas, mais rapidement, Octanis sauta de nouveau pour aller la poser sur le mur en hauteur, et dans un geste défensif, Belladona avait ramené ses jambes contre sa poitrine.
Sa peau luisait quelque peu, comme si elle était humide et elle semblait un peu fatiguée, alors que c'était lui qui avait fait tout le travail. La vérité était que cette peur avait accéléré ses fonctions vitales et la production intensive de poison n'avait pas vraiment aidé. Elle regarda autour d'eux, il y avait tout de même quelques badauds qui les fixaient étrangement alors qu'Octanis allait refermer la barrière pour ne pas que les porcs s'échappent, elle pouvait alors voir qu'il y avait tout de même de tout à Ephtéria, des gamins qui paraissaient assez pauvres et qui lorgnaient visiblement sur les fruits un peu pourris qu'on donnait aux cochons, mais surtout de ces riches gens habillés de beaux costumes, des femmes avec des robes tellement énormes que la picaris se demandait comment elles pouvaient les mettre, et surtout les enlever! Leurs mains ne pouvaient pas atteindre tous les fils qu'elles avaient dans le dos. Une des belles femmes semblait s'être salie à cause de la vitesse à laquelle l'orphe était entré dans l'enclot, projetant probablement de la boue sur sa robe chatoyante! En tout cas, le gentleman qui l'accompagnait avait sorti un mouchoir de la pochette de son veston pour mettre un genou à terre et débarrasser la jupe de cette boue disgracieuse, puis il se releva et l'entraina rapidement ailleurs pour ne pas risquer qu'elle ne se salisse davantage.
Son compagnon revenait alors près d'elle et lui demanda si elle allait bien. Toujours recroquevillée sur elle-même, les bras enlaçant ses jambes, elle hocha juste de la tête
«Oui, ça va. Mais fais attention, je crois que je suis couverte de poison...» - autrement dit, ce n'était pas le moment d'essayer de l'embrasser, elle allait devoir se laver un peu, peut être se rendre au puits, ou alors simplement aller près des différents canaux qui traversaient la ville. En tout cas, elle n'osait pas dire à Octanis qu'elle était fatiguée, aussi elle se pinça les lèvres quelques secondes en baissant les yeux d'un air un peu honteux
«Tu crois qu'il faut qu'on en attrape encore beaucoup?»
Peut être comprendrait-il le message, ou pas. Peut être que l'appât du gain lui ferait aller contre les sentiments de la belle plante pour continuer tout de même, quitte à continuer seul?