Alors comme ça, je serais méchant… ? Mon double était le seul à se souvenir de notre passé, et si il pensait ainsi, ce n'était probablement pas sans raison. Je repensais alors au sentiment qui m'avait envahit lorsqu'il avait eu le contrôle tout à l'heure, une sorte de haine immense qui aurait pût me pousser à tuer tout ceux qui osaient seulement poser leur regard sur Belladona. Si en soit cela était dans l'unique but de protéger la belladone, ce n'était pas pour autant quelque chose de bon, bien au contraire : qu'est-ce qui m'accorderait le droit d'ôter une vie au profit de la sienne ? Elle avait beau être infiniment plus importante que eux à mes yeux, pour le monde entier une vie ne devrait normalement pas avoir plus de valeur que la sienne. Seulement voilà, le seul problème était que pour la plupart des gens un humain avait plus le droit de vivre qu'elle, et ce même si celui-ci était mauvais. Ça… c'était probablement une chose qui me mettait hors de moi. En tout cas, si j'étais capable de ressentir une telle chose à l'encontre de la race humaine et de tout ceux qui méprisait mon compagne, c'était probablement car par le passé j'aurais malmené quiconque aurait osé penser qu'elle ne méritait pas de vivre dans leur monde. Sauf qu'aujourd'hui je n'étais plus celui que j'étais autrefois, ou plutôt devrais-je dire que je ne me souvenais plus de qui j'avais été, alors même si en soit cela me faisait bien souvent défaut, cette nouvelle vie me permettait donc de prendre un nouveau départ.
Elle venait se blottir un peu plus contre moi, et instinctivement j'avais resserré mon étreinte sur elle, comme si je cherchais à la protéger alors que le danger était pourtant écarté. C'était peut-être même idiot : l'aubergiste avait dit qu'un peu de fraicheur lui ferait du bien, mais ainsi contre moi elle risquait probablement d'avoir trop chaud. Et pourtant, j'avais le sentiment que c'était de cette manière qu'elle se sentait le mieux, et ce même si ce n'était pas forcément ce qu'il y avait de plus recommandé pour son organisme. Puis à force de rester silencieux elle c'était finalement endormie. Moi ? Je restais simplement là, sans bouger, fixant un point donné derrière alors que mon esprit se perdait un peu dans ses pensées. Qui est-ce que j'étais ? Ou plutôt devrais-je : qu'est-ce que j'étais ? La manière dont je réagissais instinctivement prouvé presque que j'étais quelqu'un de violent, et puis avec une musculature pareille, nul doute que je n'étais pas un simple marchand de fruits et légumes. Et pourtant, dès que Belladona était menacée, je faisais toujours en sorte de m'assurer qu'il ne lui arrivait rien, même si cela devait passer avant ma propre sécurité. Alors en quoi cela était-il quelque chose de mauvais ? Non… Il n'y avait absolument rien de mauvais là dedans : protéger quelqu'un au détriment de sa propre sécurité était probablement quelque chose d'idiot, mais certainement l'une des plus belles choses qui soit. Je n'arrivais tout simplement pas à comprendre, un peu comme si j'avais face à moi un puzzle des plus complexes et qu'en prime il me manquait la majeur partie des pièces. Le seul qui était capable de le reconstituer était… celui qui l'avait créé, à savoir Octanis. Même si nous étions deux personnalités différentes à l'intérieur de ce corps et que j'avais perdu la mémoire, ce n'était pas son cas, aussi il était donc l'unique personne à se souvenir entièrement de mon histoire, notre histoire. Lui poser tout un tas de question serait probablement trop long et fastidieux, surtout pour quelqu'un ayant une mémoire parfaite : il était difficile de passer les détails, car pour nous, chaque chose avait son importance. Le nombre de nuage dans le ciel, la quantité de brins d'herbe sur le sol, les visages des passants, les briques qui constituaient une maison. Tout cela était ce qui composait notre monde, et si ce même monde passait devant tous les jours sans jamais y faire attention, ce n'était pas notre cas. Il faudrait donc… que je trouve quelque chose à propos de mon passé, comme un journal relatant mes faits et gestes passés, ou bien un témoin de notre vie. Mais qui… Cet homme qui était sorti du puit tout à l'heure ? Ce Général Esabora dont il avait parlé ? Non… La personne qui devait le mieux me connaitre était en moi, mais la seconde personne était celle qui avait vécue une bonne partie de son existence avec moi, à savoir ma sœur Solenia. Malgré tout, il m'était tout simplement impossible de savoir où est-ce qu'elle se trouvait, et j'en restais donc toujours au même point.
Quelle satanée existence… Un détail me revînt alors en mémoire : à un moment, et même si ce passage là était assez flou dans ma tête, Octanis avait dit que j'avais bien faillit y passer la dernière fois. Qu'est-ce qu'il c'était donc passé pour que je sois aussi proche de la mort ? Et si cela avait justement un rapport avec mon amnésie ? Est-ce que je m'étais pris un coup sur la tête un peu trop violent ce qui avait eu pour résultat de faire s'envoler tous les souvenirs que j'avais accumulé au cours de ma vie ? A ce propos, je ne savais même pas exactement quel âge je pouvais avoir… Je soupirais alors doucement : il fallait que je me repose, ressasser cela par moi-même était inutile avec aussi peu d'informations à mon sujet. Je fermais alors les yeux et… rien. Je restais là, à attendre, la jeune plante collée contre moi sans même pouvoir m'endormir. D'un autre côté je n'étais pas aussi épuisé qu'elle, probablement car j'avais suffisamment dormi la nuit dernière, alors j'attendais, écoutant les gens passaient dans les rues de la ville au dehors, leur voix étant étouffés et trop peu distincte pour que je puisse comprendre quoi que ce soit. Je n'avais vraiment aucune idée de combien de temps avait pût s'écouler, et comme les rideaux étaient fermés je ne pouvais même pas faire une estimation en regardant l'astre dans le ciel. Je sentais alors que Belladona bougeait un peu, aussi je rouvrais les yeux pour voir que… elle était en train de me sourire. Intérieurement, je soupirais de soulagement, mon cœur étant allégé de savoir qu'elle allait bien. J'allais lui sourire à mon tour jusqu'à ce qu'elle s'exclame en voyant dans quel état se trouvaient mes mains. Ah… J'avais oublié ce détail, mais d'un autre côté je ne les sentais plus vraiment à cause du poison qu'elle avait sécrétée. Là encore je n'avais rien le temps de dire ou faire que déjà l'on frappait de nouveau à la porte, aussi cette fois-ci je me redressais légèrement pour être un peu plus présentable, m'essayant simplement sur le lit. Cette femme était visiblement bien soucieuse de l'état de santé de ses patients, car après s'être occupée de Belladona, elle revenait visiblement pour que je puisse soigner mes mains. Cela changeait vraiment de Guttenvald… Je la remerciais alors d'un hochement de tête, comme si je craignais que ma voix soit effrayante pour les Humains… En réalité, j'avais toujours crains ce que j'étais, et je le craignais probablement encore aujourd'hui. Quand j'avais vu la Picaris pour la première fois, je ne pouvais presque pas supporter qu'elle pose son regard sur moi, et si aujourd'hui je savais qu'elle aimait ce que j'étais, je ne pouvais pas être sûr qu'il en était de même pour quiconque m'observait. N'importe qui prendrait cela pour de la timidité, et d'un côté c'était certainement « amusant », mais pour moi c'était simplement de la crainte. Je la regardais alors parler avec la jeune plante, pour finalement sortir de la pièce, et c'est alors que Belladona prit l'initiative de vouloir me soigner.
« Je peux le f-… » J'avais commencé à vouloir parler sans réfléchir, comme si je ne voulais pas qu'elle s'occupe de moi, que j'étais simplement égoïste et être le seul à m'occuper d'elle, qu'elle n'est pas à subir ce fardeau. Puis finalement… « Si tu y tiens, c'est d'accord. » Et je lui tendais alors mes mains, paumes ouvertes, puisque c'était principalement cet endroit qui était recouvert de brûlure. Mon regard restait quelques longues secondes posés sur ces membres de mon corps, comme si mon esprit était happé autre part. Sans que je ne sache pourquoi, j'avais l'impression que beaucoup de sang avait coulé dessus, que ce soit le mieux… ou celui de quelqu'un d'autre. Mais je préférais ne pas y penser, redressant la tête pour la regarder avant qu'elle ne commence à me soigner. Et puis sans aucune raison, je repensais à quelque chose qui m'avait déjà traversé l'esprit autrefois : elle en tenue d'infirmière. Quel pervers je faisais, mais pourtant je trouvais toujours cela aussi amusant.
Alors qu'elle s'apprêtait à déposer le linge humide sur mes paumes, je reculais brièvement mes mains d'un air joueur, sans pour autant les fermer, probablement parce que je n'y arrivais pas. Je souriais alors doucement, avant de finalement rapprocher mon visage du sien.
« Mais si tu veux que je me laisse faire, il va falloir m'embrasser. » Ce n'était peut-être pas le moment pour ça, surtout que j'aurais très bien pût le faire moi-même, mais je trouvais bien plaisante l'idée que ce soit elle qui vienne me chercher. Je posais alors mon front contre le sien, comme pour la forcer à en avoir vraiment envie, puis je reculais sans réelle conviction, et même si elle était bien moins forte que moi il était certain qu'à cet instant elle pourrait facilement faire de moi sa chose dans la mesure où je ne voulais pas opposer de résistance, mais simplement m'amuser. Un sentiment étrange commençait alors à naître en moi, comme si je n'avais jamais vraiment connu ça : l'amusement.