J'avais marché longuement droit devant moi, guidé par mes pas alors que je ne faisais même pas véritablement attention à l'action d'avancer, comme si c'était parfaitement automatique. Le décor n'avait rien de véritablement attractif, ce n'était rien d'autres que des plaines à perte de vue, et je n'avais donc rien d'autre à faire que les traverser pour rejoindre la ville. Je regardais de temps à autres la jeune plante, mais au final elle semblait s'être endormie, ce qui n'était probablement pas plus mal : je ne savais pas vraiment ce qui avait pût se passer avec Octanis, mais cela avait dû être éprouvant, alors pour l'instant il valait mieux qu'elle se repose, bien qu'elle ne dormirait probablement pas beaucoup au cours de la nuit. D'un autre côté, je doutais fortement que j'aurais envie de m'endormir une fois que j'aurais enfin le droit à un peu de confort, et même si je doutais fortement vouloir fêter ça, j'avais simplement envie de profiter un peu de la civilsation, même si je trouvais tout cela assez pittoresque en comparaison de la Basse-Ville.
Le vent balayait la broussaille que je foulais, dessinant des vagues sur cette mer émeraude, et je sentais les mèches de mes cheveux être balayées par la brise qui ne pouvait que caresser cette étendue d'herbe sans aucun obstacle. Comme la demoiselle c'était assoupie, j'avais pleinement l'occasion de réfléchir, et il allait véritablement falloir que je me renseigne sur mon identité, savoir si j'existais bel et bien, ou si j'avais volé ce corps à Octanis. Je voulais d'ailleurs m'assurer qu'il y avait bien deux personnalités dans cet organisme, car même si Belladona avait pût voir deux individus différents au travers de la même enveloppe charnelle, au final je ne sentais rien de changer, ce corps restant pour moi celui que j'avais toujours eût et qui répondait parfaitement à mes demandes. Je ne connaissais mon alter ego qu'au travers des mots de la nymphe végétale, et je devais admettre que dans d'autres circonstances, j'aurais peut-être été jaloux d'elle. Mais là, c'était moi qui devait partager mon existence avec une autre personnalité, et j'aurais préféré que cela n'arrive jamais au vue de la souffrance que cela avait pût occasionner à la jeune plante. Mais d'un autre côté, si c'était lui qui nous avait permis de nous enfuir de l'Auberge, je devrais probablement me montrer comme reconnaissant, bien que je ne lui pardonnais pas vraiment d'avoir pût profiter de ces lèvres sucrées que j'adorais tellement, mais c'était probablement moins pire que ce soit lui qui en abuse qu'un parfaitement inconnu, comme ce porc qui avait osé commettre un geste si obscène face à la belle plante, ce qui avait finalement réveillé Octanis. A partir de ça, je me demandais bien ce qui pouvait le faire surgir : ma colère ? Ma fatigue ? Ou est-ce qu'il avait simplement la possibilité de se montrer quand bon lui semblait ? Si cette dernière hypothèse s'avérait être la bonne, pourquoi n'était-il pas là en permanence ? En avait-il eût un jour marre de cette existence et avait-il décidé de me la léguer ? Je ne savais pas si une telle chose était possible, et à vrai dire je ne savais pas grand chose du dédoublement de la personnalité. J'en avais entendu parler chez les Humains, mais cela pouvait se présenter sous différentes formes, et peut-être que je réagissais différement car j'étais un Orphe. Après tout, j'avais le patrimoine génétique d'un félin en moi, même si je ne savais pas encore lequel, mais si c'était le chat il n'était pas impossible que la rumeur comme quoi ils possédaient neuf vies est pût se répercuter sur ce corps hybride. Mais cela pourrait avoir un certain côté inquiétant dans la mesure où cela pouvait vouloir dire qu'il y avait neuf personnalités différentes dans ce corps. Ou bien peut-être était-elle déjà morte, et à cet instant je repensais à ces douloureux souvenirs que j'avais en tête, et où l'on avait essayé de me tuer. Est-ce que cela voulait dire que j'avais déjà perdu sept vies, et donc que j'allais revoir d'autres souvenirs où je me faisais assassiner ? C'était bien trop surréaliste pour qu'une telle théorie soit vraie, mais je préférais ne pas l'exclure par simple précaution.
Je ne savais pas combien de temps j'avais ainsi réfléchit, et à vrai dire j'avais été totalement déconnecté de la réalité. Je n'étais pas plus avancé du point de vue de ma reflexion, mais je pouvais désormais voir la ville au loin, et je sentais d'ailleurs que la demoiselle se réveillait, lui adressant un sourire en guise de bonjour.
« Tu devais être très fatiguée. » Je portais régulièrement mes yeux en direction du sol pour m'assurer que je risquais pas de tomber, mais je faisais surtout attention à son regard. Elle semblait aller mieux… « Je n'ai pas vraiment fait attention à mon allure, je me contentais simplement d'avancer jusqu'à arriver. »
Comme ça, ainsi dans mes bras, elle était un peu comme une princesse, et j'avais beau avoir tenue la même position de mes bras si longtemps, je n'étais même pas fatigué. Il était probablement que tout retombe à l'instant où je m'arrêterais, tout comme j'aurais sans doute des courbatures un peu partout le lendemain, mais une fois que nous serions en ville je n'aurais plus vraiment à me soucier d'une telle chose, et j'aurais tout mon temps pour récupérer. Il allait malgré tout falloir que nous trouvions de quoi revigorer la demoiselle au cours des jours à venir, car disposer de la terre dans la chambre ne serait pas très… convenable, en particulier si nous ne voulions pas avoir les autorités sur le dos, déjà que j'étais recherché…
J'avais une petite pensée pour Ciara. J'espérais qu'elle avait pût attraper un train pour rejoindre Éphtéria, mais elle devait être du genre débrouillarde, alors je ne devrais pas avoir à m'en faire pour elle. Et au final, il était bien mieux pour elle qu'elle soit partie de son côté, car j'appréhendais fortement la manière dont Octanis aurait pût réagir à sa présence, bien qu'il avait toutefois fait en sorte de ne pas massacrer les gens de l'Auberge, du moins, de ce que j'en avais compris. J'espérais d'ailleurs que les gens de la ville seraient plus sociables qu'eux, que nous n'aurions pas à fuir et à nous cacher, et il me suffirait simplement d'éviter les gardes pour ne pas avoir de problème, ainsi que toute personne susceptible de porter une arme, et donc d'être chasseur de primes.
La ville se profilait désormais de plus en plus devant nous, les remparts apparaissant clairement en se détaillant, et je m'arrêtais alors un bref instant pour regarder la belladone.
« Je suis désolé, tu vas devoir descendre. » Je pliais un peu les genoux, abaissant mes bras pour que ses pieds entrent de nouveau en contact avec le sol. « Il faudrait éviter de trop attirer l'attention, déjà que nous sommes un couple atypique. » Je lui souriais doucement, essayant de ne pas ressasser les derniers événements qui pourraient sapper mon humeur jovial. « Ça va aller ? » Lui demandais-je en regardant attentivement son ventre, néanmoins inquiet de la blessure qu'elle m'avait dit lui avoir fait sans le vouloir si j'avais bien compris. Par mesure de sécurité, je laissais l'un de mes bras glisser dans son dos jusqu'à venir déposer ma main sur sa hanche, pouvant ainsi la soutenir en cas de problème. J'espérais au moins qu'au cours du trajet, elle avait pût se régénérer ne serait-ce qu'un peu…