Benedikt rouvrit les yeux en entendant la question du tatoueur, qu'il n'avait pas du tout anticipé.
« Vrass ? »
Se redressant brusquement, il regarda avec un air confus le winghox s'énerver sur ses cheveux emmêlés dans un buisson et tomber par terre. Jusqu'à ce que Benedikt se relève enfin pour l'attraper par les épaules, blottissant son visage dans le creux de sa nuque. Aïe, il y avait encore des épines là.
« Vrass, c'était une plaisanterie, je- je rigolais, je croyais que ce serais évident pour toi, c'était juste... un jeu, pourquoi- » le botaniste soupira. « Ne bouge pas. » Le botaniste commença patiemment à récupérer de ses cheveux les dernières morceaux de ronces resté emmêlés, essayant de ne pas tirer dessus autant qu'il lui était possible pour ne pas lui faire mal, sans rien dire de plus. Il y avait bien quelque chose qui le dérangeait sous les agissements de Vrass, mais ses réflexions étaient encore en train de faire leur chemin dans sa tête. Ce ne fut que quand il eut fini d'enlever les dernières épines et démêlait distraitement les cheveux rouge avec ses doigts qu'il rouvrit la bouche, un ton bien plus amer qu'auparavant.
« Pourquoi tu penses tout le temps que tu suis incapable de prendre des décisions moi-même ? » Vrass n'était pas en mesure de voir le visage du botaniste à cet instant, mais il était probable que sa voix suffisait pour montrer qu'il n'était pas en colère. C'était tout simplement de la déception qui perçait.
« Tu fais comme si tout le monde allait me sauter dessus à tout moment sans que je ne proteste, tu crois que je resterais avec toi même si tu me fais peur parce que je n'aurais pas le courage de partir, tu penses que ce n'est pas à moi de décider si j'ai envie de supporter ton caractère ou pas... » Un nouveau soupir siffla des lèvres de Benedikt. « Je sais bien... Je sais bien que je ne suis pas comme toi et que je ne m'impose pas devant les autres comme toi. Mais ça ne veut pas dire que je ne vais rien refuser ! Je ne suis pas comme ça ! Est-ce que c'est vraiment comme ça que tu me vois ? »
« Je te l'ai déjà dit, je ne serais pas resté si j'avais peur que tu me fasses du mal ! Je ne vois pas l'intérêt, et il est hors de question pour moi de vivre comme ça. J'ai déjà donné de ce côté-là et je ne vois pas pourquoi je le ferais alors que ça ne m'apporterais rien en retour ! Bon sang, t'as même cru que j'étais parti en laissant mes affaires et sans rien te dire quand ces espèce de timbrés m'ont enfermé dans leurs bâtiments ! Je fais preuve de courage, j'ai un peu de volonté, aussi, parfois, tu sais ? Peut-être pas tant que ça mais moi aussi, j'ai mes limites ! Si je ne veux plus rester avec toi, je met les choses au clair et je discute, je ne fuis pas comme un lapin en laissant tout ce que je possède derrière moi parce que je suis terrifié de ce que tu peux me faire ! Merde, ça fait des années que je fais des efforts pour changer, mais apparemment, ça ne sers à rien ! »
Le visage froncé, Benedikt se releva soudainement et balaya la neige sur ses vêtements.
« Je vais me promener dix minutes. »
Il se retourna et n'attendit pas plus longtemps pour s'éloigner à grand pas, empruntant une des allées qui s'enfonçaient au cœur du parc. Le botaniste voulait, d'une certaine manière, prouver à Vrass qu'il pouvait très bien décider de faire ce qu'il voulait sans son accord, mais c'était aussi qu'il était plutôt blessé et n'avait pas envie d'entendre la réponse du tatoueur, qui allait sûrement le vexer d'autant plus selon lui. Benedikt marcha une ou deux minutes et s'arrêta au milieu d'une allée pour aller s'asseoir sur une balançoire accroché à un chêne. Au moins, là, il n'aurait pas les fesses dans la neige, parce qu'il commençait à être réellement frigorifié. Lorsque la pensée des bras musclés et accueillants à même de le réchauffer lui vint à l'esprit, il grogna et se perdit dans des pensées inutiles pendant un petit moment, les mains enfoncées dans ses poches.
« Hey, monsieur. Je peux avoir la balançoire ? Tu l'utilises pas. »
Le champ de vision de Benedikt fut envahi par une gamine emmitouflée dans des vêtements en laine. Il releva la tête. Un peu plus loin, une femme qui en portait un autre beaucoup jeune marchait dans leur direction, sans doute sa mère.
«Oh, t'as l'air triste. »
Le botaniste ne put s'empêcher de sourire légèrement à la remarque. « Tu sais, les adultes, ils le sont souvent. Pour n'importe quoi. » Il se redressa et la regarda, elle n'était même pas assez grande pour réussir à monter là-dessus tout seule, aussi Benedikt l'attrapa pour la soulever et la déposer à sa place. « Aurais-tu besoin de quelqu'un pour te pousser, jeune demoiselle ? »
Lorsque la mère de la gamine arrivait à leur hauteur, l'humeur du botaniste avait eu le temps de s'améliorer, et c'était sans aucun doute que les rires enfantins de sa fille avait bien aidé.
« C'est gentil de votre part de vous occuper d'elle. Merci. » déclara la femme à l'air déjà fatigué malgré le fait qu'elle ne devait pas avoir plus de 35 ans.
« Non, elle est adorable. » répondit simplement le botaniste. Il semblait soudain un peu embêté de rester ; il n'avait pas vraiment envie de lui faire la discussion. Il avait dit à Vrass qu'il partait une dizaine de minutes, et pour être honnête, avait envie de le retrouver à présent. « Excusez-moi, je vais y aller, il y a quelqu'un qui m'attend. Ou du moins, je l'espère. »
« Il y aura personne pour me pousser si tu t'en vas ! » protesta la gamine sur son promontoire.
« Désolé ! » lança derrière lui le botaniste avec un pauvre sourire sans pour autant se retourner.
Il serait plus facile de discuter avec Vrass maintenant qu'il avait eu le temps de se calmer. Même s'il était fort possible que le winghox en question ne soit pas dans le même état d'esprit... Benedikt décida qu'il verrait bien, de toutes manières, il lui fallait bien tirer cette histoire au clair, et le plus tôt serait le mieux.