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Ephtéria, capitale du royaume de Païlandune. Une belle ville aux tours blanches et aux maisons cossues, aux rues animées de marchés et aux soldats veillant à la sécurité. Mais une ville peuplée de nobles fardés de faux semblants, cupides, ambitieux et hypocrites pour la majorité. Sous leurs apparences solennelles, des hommes bêtes et méchants, avides de pouvoir et se délectant de la cruauté comme s'il s'agissait d'une distraction. Propre en surface, gangrénée à l'intérieur, elle ne laissait voir aux visiteurs que ses remparts imprenables, lisses comme un écrin pour tous les vices que pouvait porter l'humanité.
C'était là-haut – errant sans but sur un chemin de garde – que Ciara se tenait. Par cette chaude après-midi d'été, alors que les Ephtérois préféraient la fraîcheur des travées, elle était montée se vider l'esprit, en vain. Les souvenirs de ces derniers mois lui revenaient inlassablement en mémoire, et c'est avec une lassitude mêlée de colère qu'elle fini par s'asseoir entre deux créneaux comme s'il s'agissait d'un fauteuil.
Artégal O'Callaghan, chef des Rebelles, avait été pris. Elle l'avait senti sans vraiment comprendre comment alors qu'il l'avait envoyée en reconnaissance à Balaïne, et était revenue au manoir avant d'avoir accompli sa mission. Mais là-bas, ceux de son clan l'avaient accusée de trahison et avaient ordonné de l'attraper. Elle... sans aucun doute la plus fidèle à Artégal, soupçonnée de l'avoir vendu ? Deux sentiments s'étaient succédés. La fureur tout d'abord, vite écrasée par une terreur indescriptible à l'idée de ce qui l'attendait si ces balourds lui mettaient la main dessus. Alors elle avait fuit. Elle avait couru à travers la forêt des Ombres, et ne s'était arrêtée qu'une fois certaine de n'être plus suivie. Et ensuite ? Ensuite la fureur était revenue faire bouillir ses veine. Elle avait réfléchi longtemps, et elle avait pris sa décision. Une décision loin d'être intelligente, mais guidée par l'impulsivité de l'adolescente qu'elle était.
Elle retrouverait Artégal ! Elle le retrouverait et elle le ferait libérer, leur prouvant à tous qu'elle n'était pas coupable de la traîtrise dont ils l'accusaient. Et puis Artégal la vengerait ! Il leur apprendrait, à coups de poings, qu'on ne s'en prenait pas à elle ! La jeune fille rassembla ses cheveux longs comme pour les attacher, les enroulant mollement sur eux-même avant de les placer sur son épaule. Le soleil la cuisait littéralement mais elle s'en moquait. Curieusement, elle appréciait cet écrasement qui la punissait de n'avoir pas réussit. Ou pas totalement en vérité. Les cris de la foule en liesse lui firent tourner la tête et, prenant son courage à deux mains, elle se leva. Ses pas fatigués la conduisirent jusqu'à une place forte d'où elle eut une vue toute dégagée sur la comédie qui se jouait, en bas. Les Ephtérois étaient rassemblés en nombre, trop heureux d'assister à l'évènement, et leurs exclamations réclamaient un spectacle à la hauteur de leurs attentes.
Oui, elle avait retrouvé Artégal... Il était là, sous ses yeux qui le fixaient comme si elle avait pu le sauver d'un simple regard, ou lui dire qu'elle regrettait. Mais il ne la voyait pas, trop occupé à insulter la foule, le Roi et Nideyle entière sur son échafaud ! « Levez les yeux... je suis venue... vous voyez, que je ne vous ai pas abandonné... ». Quelques secondes plus tard, lorsque la trappe s'ouvrit sous les pieds de celui qu'elle avait toujours considéré comme son maître, elle tressaillit. Le cœur affolé de subir ce à quoi elle s'était pourtant préparé depuis des heures, elle sentit la chaleur irradier sa gorge et lui brouiller la vue, à tel point qu'elle ferma les yeux sur un frisson.
Il faisait froid, tout à coup...