Et si on mangeait un pirate ?

[Vrass Rannveig]

Bon ok, note pour plus tard: trouver un dictionnaire pour aider Kallistrat à traduire ce que l'on pouvait raconter. Rien qu'à sa tronche, c'était évident qu'il n'avait rien compris à ce qu'on venait de raconter et qu'il ne savait donc pas ce qu'on pouvait faire pour la suite du programme! Heureusement, la proposition de Benedikt semblait lui plaire et on allait donc pouvoir aller dormir sur la plage. Dommage, je n'avais pas la tente, on allait donc devoir dormir à la belle étoile.

Je me disais qu'il faudrait quand même qu'on retourne chez l'antiquaire pour acheter de quoi faire du camping de façon plus efficace, mais pour le moment, l'idée de voir Sayah ne m'attirait pas plus que ça.
«Direction la plage, donc. Dommage qu'on n'ait pas de tente.» - ou de hamac. Je crois que Sayah a inventé un nouveau truc dans ce genre là, je me dis que ça aurait pu être sympa pour Benedikt et moi de s'endormir dans un hamac à défaut d'une tente. Au moins je me dis que d'une certaine manière, on resterait avec Kallistrat en plein air plutôt que de se cacher dans une tente et lui dehors?

Enfin, au pire, j'achète les deux, je suis plus à ça près. Une tente et un hamac et hop! Mais pour l'heure, la plage, j'espère qu'on arrivera à dormir sur le sable. À peine arrivés, Kallistrat semble d'abord surpris et c'est un spectacle qu'on ne risque pas de voir souvent - quoi que? - qui se déroule sous nos yeux! Fini le fier orphe lion de deux mètres qui fait peur et bonjour la peluche stupide...
«J'hallucine...» - je disais ça avec amusement n'empêche, car il fallait reconnaître que c'était vraiment drôle à voir! Et ce fut pire par la suite lorsqu'il fut surpris par une vague venant lui chatouiller les fesses!

On aurait dit un chaton devant un pittbull... le poil hérissé et l'envie de paraître impressionnant alors que ça n'effraierait même pas une grand-mère! Je devais ramener ma main sur mon visage pour ne pas rire avant de me dire qu'on devrait allumer un feu. Heureusement, il me reste des pierres volcaniques aussi je m'éloigne du bord histoire de ne pas se faire surprendre par la marée et je les dispose en cercle de façon à ce qu'un feu ronronnant apparaisse sur le sable! Au moins, on n'aura pas froid!

Je pose alors mon cul dans le sable en me tournant vers Kallistrat qui semble toujours aussi impressionné par les vagues
«Toujours en train de chasser la mer? T'étais pas censé chercher à attraper les mouettes?» - je veux pas dire, mais ça nous remplirait mieux l'estomac. Je préfère plumer une volaille que risquer de laisser mes doigts entre les pinces d'un crabe! Je prends une branche qui traînait par là pour attiser un peu les flammes même si je sais que c'est inutile, l'avantage du feu magique, il tient jusqu'à ce qu'on bouge les pierres.

«Va falloir retourner chez Sayah demain avant de partir. Si on doit régulièrement dormir à la belle étoile, il va nous falloir du matériel. Une tente, un hamac...» j'ai failli ajouter un truc pour repousser les moustiques mais en réalité, entre le gosse qui semble les repousser et Kallistrat qui les attire, je crois qu'ils vont me foutre la paix. Bon allez, il faudrait peut être qu'ils se mettent en chasse les deux mômes?

[Benedikt]

Benedikt écoutait à peine Vrass, trop occupé à rire devant le spectacle de Kallistrat découvrant la plage. Ma foi, sur ce coup-là, il était encore pire que le botaniste la première fois qu'il avait vu la mer. Mais pour le gros chaton, sa nature orphe semblait lui excuser plus de choses, notamment se rouler dans le sable comme s'il avait fumé de l'herbe à chat, que celle de Benedikt.
« J'aurais bien envie d'avoir un appareil photo, tiens, là... » murmura-t-il entre deux éclats de rire.

En ce qui concernait Vrass, lui avait plutôt faim et le leur rappela assez rapidement - on ne laisse pas un winghox crever de faim -, avant de suggérer d'avoir voir Sayah, histoire de gagner un peu de confort pour les nuit passées dehors.
« Mmmh, tu as peut-être raison. Moi, ça ne me gêne pas de dormir comme ça, mais ce sera plus agréable. Surtout si on s'arrête un jour dans un endroit où il n'y a pas d'herbe ou de sable. »
En revanche, c'était à espérer que Vrass décide de passer par l'herboristerie histoire de faire des emplettes contre les insectes, car s'il comptait se servir du botaniste comme bouclier, c'était une mauvaise idée. Si ce dernier ne se faisait jamais piquer, il attirait les moustiques et tout autres bestioles à six pattes avec la même efficacité qu'une ampoule allumée. Moins que lorsqu'il était enfant, pourtant, ce qu'il estimait plutôt confortable ; cela évitait de devoir maintenant une distance de sécurité imposée par ses interlocuteurs. Mais l'heure était à la chasse, même si le botaniste aurait préféré aller acheter quelque chose en ville, ce qui était certes plus cher, mais en général meilleur, et moins long. Blâmez la Basse-ville, la vie là-bas rendait paresseux.

Lorsque Benedikt revint une demi-heure plus tard, c'était pieds nus et avec bas de pantalon retroussé, mais avec surtout, dans les mains, un gros tourteau qu'il tenait à distance de son visage plutôt fier. Oh, bien sûr, il aurait pu aider Kallistrat avec ses mouettes, mais... Celui-ci avait l'air de se débrouiller très bien tout seul, et puis le botaniste se sentait tout à fait coupable de tirer sur des mouettes. Sans compter que ce n'était pas si facile à avoir, ça volait, bon sang, et qu'il préférait éviter de planter une flèche dans les fesses de l'orphe lion par mégarde. Non, les fruits de mer, ça s’enfuyait moins rapidement et c'était plus facile, psychologiquement, de les découper en morceaux. Le botaniste s'approcha de Vrass.

« Tu peux fouiller dans mon sac, s'il-te-plaît ? Il y a doit avoir un couteau pointu dans une espèce de pochette en cuir. »
Vu le bordel qu'il y avait dedans, on pouvait souhaiter bonne chance au tatoueur, mais éventuellement, Benedikt se retrouva avec le-dit couteau dans la main, alors qu'il retenait le crabe avec l'autre main. Prenant garde à ne pas les mettre trop près des pinces de taille respectable, il l'enfonça d'un coup brusque au niveau de la tête du crabe. Puis tendit la bête morte à Vrass avec un sincérité désolante, comme si celui-ci avait été désigné cuistot de la soirée. En réalité, c'était lui qui avait fait le feu, alors le botaniste n'y avait tout simplement pas réfléchi et avait supposé qu'il s'occuperait de la cuisson de leur repas. Parce que la viande crue, c'était sympa, mais plutôt pour Kallistrat.
« Je vais aller en chercher d'autres, s'il y a besoin. J'ai juste pensé que celui-là suffirait vu qu'il était très gros. »

[Kallistrat Rusia]

Les oreilles du chaton se plaquèrent sur son crâne à la réflexion du Winghox. Lui, chasser la mer ? C'était plutôt la mer qui le chassait en fait... mais il n'avait pas l'intention de se laisser impressionner par si peu, il en allait de sa fierté d'Orphe lion ! Se redressant alors sur ses deux jambes, il fixa le mouvement perpétuel des vagues d'un air mauvais, sa queue battant furieusement l'air derrière lui. Ce n'était pas si facile d'avoir l'air crédible après la frayeur qui lui avait hérissé les poils du dos. Heureusement, il fut question de chasser... et l'attention de Kallistrat fut aussitôt détournée par cette annonce !

S'éloignant prudemment tout en s'efforçant de ne pas avoir l'air de s'enfuir face au ressac, il pinça légèrement les narines et n'adressant à Vrass qu'un froncement de sourcils vexé avant de s'en aller plus loin. Fier et droit comme s'il partait avec la ferme intention de ne jamais revenir, il s'immobilisa pourtant juste un peu plus loin, lorsqu'une envolée de mouettes fit disjoncter les rares neurones dont la nature lui avait fait cadeau... Proies... mouvement...

Kallistrat se jeta aussitôt à plat ventre, son énorme tête suivant le vol de son futur repas. Les volatiles se posèrent à quelques mètres, et commença un long jeu du chat et de la souris. Rampant aussi bas qu'il en était capable, chaton n'avançait qu'à tout petits pas rapides avant de s'arrêter au moindre mouvement de ses proies. Les yeux fendus d'une pupille atrocement attentive qui lui donnait un air de dément, il arrivait à arrêter net son avancée, y compris si ses pattes n'avaient pas encore atteint le sol. Comme en suspens. Raide. Immobile. Statue de granit gris au milieu du sable blanc. Seules ses moustaches remuaient au rythme des rires des oiseaux.

Par moment, lorsqu'il s'estimait suffisamment prêt, son postérieur remuait légèrement tandis qu'il cherchait ses appuis sous ses pattes arrières. C'était toujours le signal d'un assaut. Vif comme l'éclair, il bondissait alors dans le tas.

La première fois, le désordre absolu créé par l'envolée de ses proies lui fit accuser une seconde d'hésitation qui lui valu de toutes les rater.
La seconde fois, il gifla l'une d'elle en plein décollage et l'envoya s'écraser à quelques mètres, sonnée.
Les fois suivantes, il avait totalement perdu toute notion de raison humaine et bondissait n'importe comment, fauchant tout ce qui passait à portée de ses griffes immenses, claquant des dents et distribuant les mandales à tour de pattes comme s'il chassait dans une nuée de moustiques.

Le sable jaillissait sous ses pieds, les plumes volaient comme s'il neigeait, et le sang parfois, venait tacher sa fourrure ou le sable blanc. Au bout de trois quarts d'heure à ce jeu de fou furieux, il ramassa la demi douzaine de mouettes qu'il avait plus ou moins tuées et les rapporta aussi fièrement qu'un bon gros toutou auprès de ses deux compagnons de route. En s'asseyant - autant dire en se vautrant - à leurs côtés, il haletait presque tant il était fatigué. En fait, il se retenait tant bien que mal, estimant qu'il était hors de question pour un lion de tirer la langue comme un chien ! Et sans autre sommation, il coinça l'une de ses prises entre ses pattes, planta ses crocs immenses dans la chair encore fraîche, et tira si fort qu'il se retrouva avec une tête de mouette craquante dans la bouche.

« Ch'est très bon les oijeaux de la mer... et ch'est fachile à attraper en pluch. Vous faites brûler, vous ? » Demanda-t-il en penchant la tête, des plumes entre les dents.

Il avait remarqué que les humains avaient tendance à brûler ce qu'ils mangeaient avant de le manger. Ils étaient un peu bizarres, ces humains... en fait, Kallistrat se demandait même pourquoi ils s'acharnaient à manger de la viande alors qu'ils n'étaient manifestement pas fait pour la chasser... Oui, vraiment bizarres.

« Oh ! Je pourrai avoir du crabe ? Je te l'échange contre une mouette... »

[Vrass Rannveig]

Le spectacle de Kallistrat effrayé par les vagues valait le coup d'œil sans aucun doute! J'essayais de ne pas trop me moquer de lui, j'avais bien remarqué que tout comme moi, cette grosse bestiole poilue était susceptible, mais c'était tout de même difficile!

Je l'avais donc envoyé chercher des mouettes, pendant que Benedikt préférait s'essayer à la chasse aux crabes. Je hochais de la tête avant de regarder autour de nous pour trouver des branches. Il y avait de nombreux arbres sur la plage, mais pas du tout pratique pour espérer récupérer quoi que ce soit dessus! Leur tronc est tout tordu, les feuilles sont pleines de résine et la résine, ça fait de la fumée noire et puante - mais je comptais m'en servir surtout pour piquer la viande dessus afin de la faire cuire. Donc, à l'aide de mon épée, j'en découpais plusieurs, les plus solides de préférence avant de les emmener dans l'eau. Je retirais mes chaussures et retroussais mon pantalon - tout comme le gosse, sans le savoir - afin de bien mouiller les morceaux de bois et les laver surtout ! Histoire de les débarrasser de cette résine mais aussi de la poussière et de toute fiente d'oiseau.

Puis je revenais vers la jonction entre le sable et l'herbe, sortant mes pierres de feu pour faire un cercle et ainsi avoir un bon feu grondant et réchauffant! Je laissais les branches à proximité pour les sécher. Pendant ce temps, Benedikt était le premier à revenir avec un gros crabe, visiblement très fier de sa prise. Il me demandait un couteau dans son sac et je fouillais un peu jusqu'à trouver la petite poche de cuir. Je le voyais juste tuer le crabe avant qu'il ne me le tende en rougissant
«Honnêtement, oui. Il va en falloir plusieurs. Je ne sais pas ce que Kallistrat va ramener, il risque d'avoir bouffé la moitié du fruit de sa chasse!»

Je prenais donc le crabe, j'arrachais déjà les pinces pour les déposer carrément sur l'une des pierres au bord du feu pour les cuire, puis je plantais le corps sur l'un des morceaux de bois en passant par le trou que le gosse avait fait juste avant. Au bout d'un moment, il en avait ramené deux de plus alors que le chaton revenait aussi avec une bonne prise! Après une telle chasse, il était évidemment affamé et il se jeta sur l'une des carcasses avec une telle violence qu'il lui arracha la tête. Je fronçais légèrement le nez d'un air blasé - charmant.
«Oui, nous on doit les faire cuire.. sinon on peut être malade.» - surtout avec des mouettes qui peuvent avoir bouffé n'importe quoi, de poisson jusqu'au vomi des marins de Balaïnes! Je commençais donc à en plumer le plus possible, puis j'utilisais le couteau de Benedikt pour les vider, laissant éventuellement les entrailles à Kallistrat s'il le souhaitait. Mais il semblait vouloir l'un des crabes et je me tournais donc vers lui

«Si tu veux manger du crabe, il faut le cuire. La chair crue est plutôt liquide et gluante en fait. Si tu le manges comme ça, tu vas plus le boire qu'autre chose?» - je lui laissais choisir, le premier crabe était cuit depuis un moment et avait même eu le temps de refroidir. J'avais fini de plumer et vider deux mouettes que je plantais aussi sur des branches pour les faire cuire, le deuxième tourteau aussi était presque cuit, il ne restait plus que le dernier selon ce que voudrait Kallistrat.

Je continuais de plumer une autre mouette, je doutais que Benedikt en ait envie de plus d'une, c'était donc pour moi et il en restait ainsi trois pour le chaton - enfin plus que deux puisque la première avait déjà connu un destin tragique.
Je prenais une pince de crabe pour patienter, prenant soin de ne pas me brûler avant de lever les yeux au ciel. D'ici, on voyait bien les étoiles et les deux lunes de Nideyle, et je soupirais en réfléchissant encore à tout ce qui nous attendait. Si des types avaient décidé de nous mettre des bâtons dans les roues, on n'est pas dans la merde!

Heureusement que j'ai mon tatouage du phénix encore, je ne vais pas avoir froid pendant la nuit, ce qui n'est pas le cas de Benedikt. Mais chaton a une couverture en laine d'euther, donc au moins, s'il veut bien la lui prêter, il aura chaud!

[Benedikt]

Benedikt tentait encore de retenir son expression dégoûtée devant la tête de mouette décapitée alors que Vrass répondait à sa place – oh, de toutes manières, oui, il voulait bien partager ses crabes avec Kallistrat, pas de problème, simplement, il n'était pas trop sûr de vouloir une mouette en échange, rapport à ce qu'il venait de voir -. Il attrapa pourtant celle que lui tendait Vrass un peu après, parce qu'il avait faim et qu'il n'allait minauder aussi lamentablement quand les deux autres mangeaient avec appétit. D'ailleurs, ça avait l'air plus comestible, cuit et préparé par le tatoueur.

La nuit était déjà tombé et il commençait à faire un peu froid, même si la saison voulait un temps clément. Le botaniste frotta le bout de son pied plein de sable avec l'autre pour réchauffer ses orteils et mordit dans la chair de l'oiseau en souriant. Au moins, ils ne risquaient pas d'être pris par surprise vu la vue qu'ils avaient sur tout les environs grâce à la plage dégagée, si des gens avec quelques mauvaises intentions réapparaissaient. Les deux lunes de Nideyle et le manque de nuage pour les cacher rendaient l'obscurité légère. Et pour Benedikt, l'histoire était plus ou moins réglée, de toutes manières, parce qu'il ne cherchait pas plus loin que le groupe de types qui avait finis par battre en retraite – ou ce qu'il en restait -. Personne d'autre ne leurs chercherait des ennuis, non ? Et les autres ne reviendraient pas se venger après les baffes qu'ils s'étaient pris.

Avec un peu de chance, ils pourraient repartir tôt demain matin vers Aspasie afin de trouver ce fameux vieux moulin - ce serait peut-être plus facile que prévu grâce aux conseils de Belladona - et tout le monde les oublierait pour les laisser continuer tranquillement leur petite chasse au trésor. Parfois, l'innocence de Benedikt prenait encore le pas sur son expérience, et il avait du mal à croire qu'on puisse vouloir éliminer tout les concurrents qu'on pouvait avoir pour une simple quête. À priori, c'était déjà assez difficile de retrouver ses indices à travers tout Nideyle pour avoir besoin de ça.

Après avoir fini de manger, le botaniste se mit à bailler copieusement, repu et fatigué des événements de la journée, et s'appuya contre l'épaule du tatoueur. Avec un peu de chance, l'un des deux autres se proposerait pour prendre le premier tour de garde de cette nuit.
« Kallistrat, je peux te poser une question ? » demanda-t-il soudain alors qu'il levait les yeux vers lui. Il eut soudain envie d'attraper un linge mouillé pour nettoyer le visage de l'orphe lion qui laissait deviner à peu près tout ce qu'il venait de manger. Ça aurait été pourtant un peu gênant d'essayer d'apprendre les bonnes manières à un orphe lion aussi imposant et probablement plus vieux que lui, quand en plus, c'était exactement le genre de chose tout à fait inutiles dans la vie de celui-ci. Le botaniste repoussa ses pensées de mère poule au profit de ses réflexions précédentes. « Tu n'est pas sensé avoir une... meute, ou je ne sais quoi, avec toi ? Pourquoi tu voyageais tout seul ? »

[Kallistrat Rusia]

Occupé à savourer les entrailles des mouettes que Vrass avait mises de côté pour lui - Kallistrat aspirait les intestins comme des spaghettis - chaton se lécha consciencieusement les lèvres alors qu'il tournait sa grosse tête vers Baie-Nez-Dicte. De son point de vue, c'était assez curieux de demander avant de poser une question si on pouvait la poser. D'autant qu'en procédant de cette façon, on en posait déjà une... et que du coup... et bien, on devait en poser une autre. Et qu'arrivait-il si la réponse donnée suscitait d'autres interrogations...? Fallait-il chaque fois demander si on pouvait poser une autre question ?

Jugeant tout cela trop compliqué, Kallistrat bailla à s'en décrocher la mâchoire, dévoilant ses crocs immenses et offrant une vue plongeant tant sur ses carnassières que sur le fond de sa gorge. Peut-être même qu'en regardant mieux on aurait pu voir jusqu'au fin fond de sa queue !

« Je n'ai pas de meute... S'insurgea-t-il en se servant d'un crabe cru dans lequel il planta ses dents. Che chont les loups qui ont des meut'ches... moi che chuis un lion. »

La carapace du crustacé craqua sous la pression de ses mâchoires, et le jus qui s'en échappa se mêla à la salive du grand Orphe gris. C'était comme gober un œuf, mais en meilleur ! Levant la tête pour verser le contenu du crabe dans sa bouche comme s'il buvait à une gourde, il arracha ensuite une pince au hasard et la mâchonna avec délice, sans se soucier des bruits de craquement qu'il ne cessait de produire.

« On vit en clan, à Zosma... mais c'est difficile de supporter les autres mâles adultes. Je suis parti parce que Têk est venue me chercher. Logique imparable... ou totalement farfelue ! Mais quand on s'appelait Kallistrat, on réfléchissait différemment d'un être humain standard. Si tu as froid à tes orteils sans poils je peux te prêter la laine d'Euther. Ça tient chaud et c'est doux... »

Bien sûr il oubliait de préciser qu'il avait dormi dedans chaque soir - ça lui rappelait la fourrure de sa maman - et qu'il y avait sûrement semé quelques puces... Mais plein de bonne volonté, il se concentra pour récupérer la couverture, et celle-ci se matérialisa comme par enchantement sur ses épaules, à proximité des rubans. Il était chouette, ce Sayah ! Tout fier de son exploit, Kallistrat tendit aussitôt la couverture à Baie-Nez-Dicte. En espérant que ça ne dérange pas le petit botaniste de dormir avec un parfum Euther-lion-fruits de mer...

[Vrass Rannveig]

Finalement, on avait quand même de quoi se faire un bon repas. Je me souviens que Sayah a un truc aussi dans sa boutique qui permet d'avoir à portée de main des épices ou autres pour cuisiner, ça pourrait être pas mal pour agrémenter un peu ce genre de repas. Après tout, demain, si on doit aller à Aspasie à dos de monture - peu importe laquelle - on devra peut être faire une pause pour manger.

Je prenais une mouette grillée et je mordais facilement dans la chair encore brûlante! Oubliant que je n'avais plus mon tatouage pour me protéger - et de toute manière, ça ne protégeait pas des brûlures - je me laissais surprendre en reculant doucement et souffler dessus. Puis je commençais à manger pendant que Benedikt posait quelques questions à Kallistrat au sujet de sa race. C'est vrai que je ne sais pas grand chose de lui, et je fus plutôt surpris de voir qu'il s'agissait d'un lion? Oui bon un orphe alors forcément, ça change pas mal de choses, mais je m'attendais à une crinière plus imposante pour un lion, ou alors il est peut être simplement jeune? Oui ça doit être ça.

Je ne posais cependant pas davantage de questions, je préférais continuer de manger, laissant le chaton prendre un crabe et mordre dedans comme si c'était une poignée de chips, pouffant de rire devant ce spectacle et surtout devant la tête de Benedikt qui semblait suivre chaque morceau de crabe qui tournait et se retournait dans la gueule du chaton.
«Bon, c'est pas tout ça, mais la journée de demain va être longue!» - je laissais cependant le feu qui avait l'avantage de ne pas pouvoir s'éteindre que d'ici plusieurs heures, il nous permettrait de rester au chaud - surtout pour le gosse en fait - et d'ailleurs, Kallistrat se rendit compte qu'il pouvait avoir froid et lui jeta sa couverture dessus!

Pour ma part, je disposais d'une grande couverture dans mon sac, cependant je ne m'en servais pas pour m'y enrouler dedans, mais pour la mettre sur le sable afin de m'y allonger dessus, puis je me servais du sac comme coussin avant d'attendre de voir si Benedikt voulait quand même venir dormir contre moi ou non. Je doutais qu'il ait ce genre de pudeur devant Kallistrat, et au pire, le lion pourrait penser que c'est seulement pour ne pas avoir froid.

L'ambiance était plutôt agréable avec les lunes de Nideyle, cependant, je réalisais une chose, peut être qu'on devait faire encore des tours de garde? Je me rendais compte que je n'étais pas très fatigué encore
«Est-ce qu'on fait quelques tours de garde? Je peux prendre le premier si vous voulez...» - disons qu'en réalité, j'espérais que l'on se partagerait la tâche à Kallistrat et moi, je préférais que le gosse se repose le plus possible, car j'avais le sentiment que cette journée avait été particulièrement éprouvante pour lui. Pour le lion et moi, la bagarre de cet après-midi n'était pas bien différente de celles qu'on aurait pu avoir par le passé, mais pour lui, c'était différent, il n'aimait pas trop la violence.

Je me tournais donc surtout vers Kallistrat, même si évidemment, Benedikt avait aussi son mot à dire.

[Benedikt]

Suis bête, j'ai attendu trois plombes que Vrass réponde alors que j'avais lu en vitesse son message avant de partir.

« Oh, heu... Merci ! »
Benedikt attrapa la couverture que lui tendait l'orphe lion avec un air surpris, juste avant d'afficher un sourire reconnaissant. Il avait déjà une couverture dans son sac mais celle de Kallistrat paraissait tellement plus confortable et chaude qu'il ne se sentait pas le cœur de la refuser. De toutes manières, rien que pour l'entendre parler de ses orteils sans poils, le botaniste était heureux qu'il lui ait proposé.
En revanche, en ce qui concernait la réponse à sa question, il était un peu plus confus... Têk, c'était bien le nom de l'oiseau insupportable qui l'accompagnait partout ? Benedikt avait du mal à comprendre pourquoi cette petite bestiole avait des impératifs qui avaient convaincu Kallistrat de la suivre. Enfin, il y avait probablement pas mal de choses qu'il ne savait pas, et puis vu ce qu'il savait de l'orphe lion et de sa durée d'attention plutôt limitée, il ne fallait peut-être pas chercher de grandes théories derrière sa décision. Quelque part, il était aussi plutôt surpris d'apprendre que Kallistrat était un lion, en terme de crinière, ce n'était pas très imposant, mais Benedikt n'allait pas sûrement pas faire de réflexions là-dessus ou poser des questions à propos vu sa propre condition. Il n'avait pas envie de blesser l'orgueil du gros chaton, même s'il pouvait y avoir une explication toute simple et évidente.

Il fut tiré de ses réflexions par Vrass qui se proposa de prendre le premier tour de garde, et Benedikt acquiesça en souriant.
« Je veux bien, oui... » répondit le botaniste avant de bailler et jeter un regard ensommeillé à Vrass ; maintenant qu'il était sûr de pouvoir dormir un peu dans les prochaines minutes, son cerveau avait décidé de ralentir immédiatement histoire de lui en montrer l'intérêt. « Tu n'as qu'à me réveiller après le tien, ou Kallistrat s'il veut faire celui d'après... »

Benedikt se blottit rapidement entre les jambes de Vrass comme un chat, la cuisse de ce dernier faisant office à merveille d'oreiller – peut-être un peu trop de muscles, mais bon, qui oserait s'en plaindre -, et murmura aux deux autres un bonne nuit un peu étouffé à cause de son visage pratiquement englouti par la couverture en laine d'Euther. Le tatoueur avait sans doute pris l'habitude à présent de se voir envahir toute les nuits par le botaniste, et celui-ci ne pouvait guère trouver un endroit plus rassurant pour dormir. Après leur petite rencontre de l'après-midi, c'était plus agréable pour lui de pouvoir s'endormir de cette façon.
Comme le pensait d'ailleurs Vrass, c'était relativement peu gênant en présence de l'orphe lion, pour la bonne et simple raison qu'il n'avait pas l'habitude de vivre ailleurs que dans la nature, et qu'il ignorait pas mal de mœurs des gens des villes. Il n'y avait sans doute rien de trop intriguant dans le spectacle qu'il avait devant lui, tant qu'il ne les surprenait pas en train de flirter d'un peu trop près, Kallistrat ne se poserait pas de questions et c'était probablement très bien comme ça. Benedikt trouvait même ça plutôt reposant par rapport aux mensonges et distances de sécurité auquel il devait faire attention chaque fois qu'il se promenait en Païlandune avec Vrass.

[Kallistrat Rusia]

Kallistrat tourna sa grosse tête grise vers Vrass avant de hocher la tête en signe d'approbation.

« D'accord. Tu me réveille quand tu en as marre et je fais le reste. J'aurai le droit d'attaquer si quelqu'un s'approche ? Si je promets de ne pas les tuer, pour qu'on n'ait pas d'ennuis ? »

Mais chaton écouta à peine la réponse du tatoueur et se leva pour aller s'installer un peu plus loin. Là, comme un chaton occupé à recouvrir consciencieusement ses petites commissions, il se mit à grattouiller le sable. D'abord doucement, puis avec de plus en plus d'enthousiasme, si bien qu'il envoya des gerbes de sable partout autour de lui et jusque dans le feu. Heureusement qu'il ne pouvait pas s'éteindre grâce à la magie de Sayah ! Au bout d'un moment tout de même, il s'installa au fond du trou qu'il s'était creusé et se lova là comme un gros chat, fermant les yeux et ronronnant du bonheur simple d'avoir bien mangé, et de dormir à l'air frais.

S'il s'inquiéta de la proximité de Vrass et Baie-Nez-Dicte ? À vrai dire, les siens avaient beaucoup tendance à dormir les uns sur les autres pour se tenir chaud, ou pour se tenir compagnie. Ce n'était donc pas le genre de choses qui le chiffonnait. Preuve en fut la vitesse à laquelle il s'endormit, des plumes encore accrochées à sa crinière...

Lorsque Vrass le réveilla quelques heures plus tard pour prendre la relève, Kallistrat eut à peine le temps de s'étirer avant que son attention soit attirée par une véritable armada de crabes fantômes ! Fou en quelques secondes, il ne prit même pas la peine de réfléchir avant de se jeter dans le tas... et de tous les manquer ! Plus vifs que lui, les crustacés disparaissaient à une vitesse ahurissante, changeant de direction sans sommation et semant le grand lion gris qui passa le reste de la nuit à leur courir après. Au matin, il avait abandonné à contre cœur, et se vengeait sur la carcasse du mouette restante. Un petit déjeuner comme un autre...

Ses oreilles se redressèrent pourtant lorsqu'il vit approcher un vieil homme claudiquant au bout de sa canne. Une longue barbe grise, un manteau élimé et un chapeau très curieux sur la tête, il s'arrêta à quelques pas.

« En voilà qui dorment avec les crabes ! S'exclama-il à voix haute comme pour s'assurer qu'il réveillerait tout le monde à la fois. Dites-moi moussaillons, j'ai entendu dire que vous cherchiez à gagner Aspasie ? J'ai une cargaison pour le Seigneur Manôlis de là-bas, seulement on m'a refourgué un vieux rafiot infesté de rats...! Son regard se reporta aussitôt sur Kallistrat qui avait à présent toute son attention. Vous me prêteriez votre chat ? En échange, je pourrais vous faire une place dans les cales et vous déposer ? »

Désolé si je vais trop vite (et désolé pour l'absence). Si c'est ok pour tout le monde on peut débarquer directement à Aspasie en bateau et récupérer Lumi au vol (sans mauvais jeu de mots) ?

[Vrass Rannveig]

======================================
La suite ici
(j'ai préféré aller à la boutique directement pour que Lumi s'y habitue [/spoiler]
======================================